Espèce(s) d'animateur

lundi 8 décembre 2014

Discours de clotûre du 18/11/2014



Un petit avant-propos s’impose. Pour replacer ce texte dans son contexte, sachez qu’il est devenu habituel qu’en tant que président du C-paje, je sois amené à intervenir en clôture d’Espèces D’Animateurs avec un écrit réalisé en cours d’après-midi. Texte qui a dès lors les vertus du rédigé à chaud et in situ et les limites du pas maturé, du très inégalement développé et du peu relu.          Cette année, j’ai fait le choix d’une présentation sous forme dialoguée, occasion dès lors de remercier ici Geneviève Cabodi qui en a été  la co-interprète. Précisons encore, pour les absents ou les distraits, que l’édition 2014 d’EDA s’appuyait largement sur la technique du forum ouvert, approche pariant sur l’intelligence et l’expertise collectives (d’où la mention en début de texte d’un mensonge qui consisterait  à faire finalement appel à des « experts »).
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L’intervieweuse : Chers participants, chers spectateurs passifs ou actifs, nous arrivons maintenant au terme de notre journée. C’est aussi le moment de vous avouer que nous vous avons un peu menti, mais vous vous en doutiez. Une journée de travail digne de ce nom ne pouvait évidemment se clôturer sans un panel d’experts. Nous en avons réuni six, et des plus éminents, qui vont répondre à toutes les questions que vous ne manquez pas de vous poser… et même à celles que vous ne vous posez pas…
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L’intervieweuse : Professeur Paribas Fortiche, pour vous, tout cela est économique.
Le Professeur Paribas Fortiche : C’est cela, oui. C’est une loi naturelle. Une loi naturelle du marché. Les inégalités sont motrices, elles génèrent une émulsion centrale quant à la dynamique économique. Moins de pauvres équivaut à moins de riches… et moins de riches équivaut à moins de prospérité.
L’intervieweuse : Cela semble relever du bon sens.
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L’intervieweuse : Professeur Mesuré, à vous entendre, l’équation semble simple à résoudre…
Le Professeur Mesuré : Oui. Tout est question de calcul. L’égalité ne repose que sur des additions et des soustractions savamment orchestrées. Ainsi pourrons-nous tabler sur la multiplication des égalités.
L’intervieweuse : Vous prônez donc une solution chiffrée.
Le Professeur Mesuré : Les écarts trop criants neutralisent la dynamique sociale. Il faut créer des ensembles, regrouper les citoyens par zones de revenus cohérentes. Ainsi, villes, logements, culture, éducation, loisirs, commerces seront adaptés aux attentes et au niveau de la population environnante. Et ainsi, l’égalité quittera le satut d’abstraction pour se transformer en hypothèse vérifiable.
L’intervieweuse : Et 2 et 2 font 4 !
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L’intervieweuse : Professeur Stand-By, vous pensez-vous qu’il n’y a rien à changer… 
Le Professeur Stand-By : Ce qui est inaccessible est hors d’atteinte. La différence est indifférente. Le désir de possession est dépossession du désir. Trop d’avancée n’est qu’un nouveau recul. Qui trop embrase mal consume. Qui ne perd rien n’y gagne pas. Chacun doit assumer sa petitesse pour atteindre sa grandeur. Le changement n’est qu’illusion. L’illusion est l’éphémère de tous les vices.
L’intervieweuse : Manifestement, tout cela est profondément pensé.
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L’intervieweuse : Professeur Nagasaqueux, vous êtes vous plutôt partisan d’une solution radicale ?
Le Professeur Nagasaqueux : De plusieurs solutions, plusieurs, Madame.
L’intervieweuse : Plusieurs, d’accord, mais qui ont toutes en commun une certaine teneur explosive.
Le Professeur Nagasaqueux : Oui, sans doute cela fera-t-il l’effet d’une bombe, mais la survie est à ce prix.
L’intervieweuse : Déployez pour nous votre approche…
Le Professeur Nagasaqueux : Ma première solution apparaît comme la plus énergétiquement rentable. Les pauvres sont en général d’une faible qualité nutritive… mais ils sont présents en grande quantité. On pourrait donc les valider en tant que ressource alimentaire disponible à moindre coût et ainsi leur donner une seconde utilité. Vous vous
L’intervieweuse : Vous vous attaquez à un véritable tabou.
Le Professeur Nagasaqueux : Nous nous apprêtons déjà à consommer des insectes… Pourquoi ne pas consommer nos pauvres ? Dans les deux cas, nous pouvons concevoir des techniques de transformation adéquates et nous évitons ainsi une prolifération ingérable. D’une pierre deux coups.
L’intervieweuse : Vous préconisez aussi une autre approche ?
Le Professeur Nagasaqueux : Oui, c’est une approche un peu spatiale…
L’intervieweuse : Spéciale, dites-vous ?
Le Professeur Nagasaqueux : Non ! Spatiale.
L’intervieweuse : Ah bon ? C’est un peu nébuleux.
Le Professeur Nagasaqueux : Pas du tout ! Il s’agit tout simplement d’utiliser nos avancées spatiales pour affréter des fusées charters et larguer les indésirables dans l’espace.
L’intervieweuse : C’est tout de même problématique…
Le Professeur Nagasaqueux : Oui ! D’un point de vue énergétique essentiellement. Le recours aux fusées est assez coûteux en carburant… Mais évidemment, le manque à gagner serait compensé par les économies sur le plan de la sécurité sociale. Il faut aussi être attentif à l’impact écologique sur la stratosphère. Il serait bien malheureux de générer un nouveau problème en pensant une solution.
L’intervieweuse : on n’est jamais trop prudent.
Le Professeur Nagasaqueux : il ne faut pas mettre le feu aux poudres inutilement.
L’intervieweuse : Je vous remercie.
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L’intervieweuse : Professeur Ecover , vous êtes le fervent partisan d’un retour aux sources.
Le Professeur Ecover : Fondamentalement. L’égalité doit se considérer sur un plan global, non seulement du point de vue humain mais également en accord avec le règne animal, végétal.
L’intervieweuse : Et minéral sans doutes ? (il fronce les sourcils) Serait-ce exagéré ?
Le Professeur Ecover : je ne vous jette pas la pierre. Mais, il faut, lentement mais sûrement, retisser la toile du vivant. Déhiérarchiser nos catégories au profit d’une harmonie naturelle.
L’intervieweuse : Vous êtes conscient qu’il n’y aura pas assez de place pour tout le monde ?
Le Professeur Ecover : La sélection naturelle, Mademoiselle, la sélection naturelle.
L’intervieweuse : Madame.
Le Professeur Ecover : Excusez-moi.
L’intervieweuse : Je vous en prie, vous ne pouviez pas savoir…
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L’intervieweuse : Professeur Sens 
Le Professeur Sens : Euh, vous pouvez m’appeler René.
L’intervieweuse : J’aimerais que vous nous ameniez à une conclusion…
Le Professeur Sens : Euh, oui… Ce serait peut-être un brin prétentieux.
L’intervieweuse : Ne vous sous-estimez pas, René !
Le Professeur Sens : Je serais tenté de dire qu’il n’y a aucune solution aux questions de l’inégalité ou de l’injustice sociale.
L’intervieweuse : Vous voilà fort pessimiste.
Le Professeur Sens : Ce n’est pas un choix. Il faut simplement constater qu’il y a peu de chances que des solutions émergent là où il n’y a pas de volonté de changement.
L’intervieweuse : Cette volonté a pourtant été maintes fois affirmée par la communauté des nations.
Le Professeur Sens : C’est essentiellement une volonté de façade. Et puis, le pouvoir appartient de moins en moins à la sphère politique.
L’intervieweuse : Vous enfoncez des portes ouvertes, René !
Le Professeur Sens : Je constate simplement que l’inégalité est un pilier de notre modèle sociétal et est le garant majeur de l’équilibre mondial.
L’intervieweuse : Vous reconnaissez donc qu’il y a un équilibre ?
Le Professeur Sens : Oui, un équilibre où la force des nantis se nourrit de la faiblesse du plus grand nombre.
L’intervieweuse : Selon vous, les choses sont donc sans espoir ?
Le Professeur Sens : Pas totalement. Le degré de déséquilibre atteint de tels excès que nous sommes en droit de penser qu’il est proche du point de rupture. En outre, à force de rendre la logique économique à un très grand nombre de citoyens, on peut gager que sont en train d’émerger des valeurs parallèles qui sont autant de trésors pour l’humanité en devenir…                                                              Je ne sais pas si c’est la conclusion que vous attendiez… ?
L’intervieweuse: Euh… Je ne sais pas non plus…
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L’intervieweuse : Je vous remercie tous les six pour votre participation et vous cher public pour l’attention consacrée à ce sujet crucial.
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